Interdit aux chiens et aux Italiens

Alain Ughetto

Rece­voir en héri­tage des mains « comme des boîtes à outils », l’instinct de sur­vie vrillée au corps et au cœur et l’audace de par­tir vers un ailleurs où la vie – tout sim­ple­ment – serait envi­sa­geable pour les siens : voi­ci le récit uni­ver­sel que nous livre Alain Ughet­to dans Inter­dit aux chiens et aux Ita­liens. La petite his­toire de sa famille – qui com­mence au début du 20e siècle dans le Pié­mont — ren­contre la grande his­toire dans ce film d’animation, grand prix du jury du Fes­ti­val d’Annecy. Quelques car­tons et bouts de ficelles, des bro­co­lis qui deviennent des arbres et la voix d’Ariane Asca­ride, la « Mémé Cesi­ra » qui rejoint celle d’Alain Ughet­to, le « petit »… et voi­là plan­té le décor d’une poé­sie inouïe ! On disait de ces réfugié·es italien·nes, que la famine et le fas­cisme avaient jeté sur les che­mins, qu’ils et elles n’avaient pas de digni­té per­son­nelle et qu’ils et elles étaient « souples » face au tra­vail le plus ardu. Un pan­neau indi­quait « Inter­dit aux chiens et aux Ita­liens » sur la vitrine de cer­tains bis­tros, his­toire de rap­pe­ler à ces « fils de putes de maca­ro­ni » qu’ils et elles n’étaient pas chez eux en France. Pour­tant, c’est à la force de ses bras que l’aïeul, Lui­gi, comme des cen­taines de mil­liers d’autres migrants, va façon­ner les infra­struc­tures de son nou­veau pays. À l’instar de ceux qui ont recons­truit la Bel­gique d’après-guerre en creu­sant les entrailles de ses bas­sins miniers. Tout comme leurs femmes, der­rière les machines des usines ou dans les ate­liers tex­tiles, ont offert leur jeu­nesse et leur sueur à ce pays où elles avaient déci­dé de plan­ter leurs nou­velles racines. Rares sont les traces lais­sées par les êtres en errance. Il nous revient de rele­ver pré­cau­tion­neu­se­ment l’empreinte de leurs pas pour conju­rer l’oubli. Alain Ughet­to a fait le taf, PAC Mons Bori­nage aus­si avec « Les Filles de la Des­ti­née » qui devien­dra pro­chai­ne­ment une pièce de théâtre. Enfin, à PAC Char­le­roi, c’est une créa­tion sonore, « Ciao Non­na », qui réha­bi­lite le sou­ve­nir des Ita­liennes de la région. Dédié à sa famille et à toutes celles contraintes à l’exil pour sur­vivre, « Inter­dit aux chiens et aux Ita­liens », mine de rien, nous rap­pelle qu’on est tous l’étranger de quelqu’un.

Maco Méo

Interdit aux chiens et aux Italiens
Un film d’animation d’Alain Ughetto
2022, Les Films du Tambour de Soie

 

 

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