Kabullywood

Louis Meunier

C’est en 2008 que Louis Meu­nier par­court les bâti­ments aban­don­nés de Kaboul, en quête d’une salle de spec­tacle pour la com­pa­gnie fran­çaise du Théâtre du Soleil et ses comédien·nes afghan·es. On ne le sait que trop, la culture n’est pas la prio­ri­té dans un pays en guerre. Le pro­jet échoue donc. C’est la décep­tion. Le réa­li­sa­teur ne renonce pour­tant pas. Il veut ten­ter de faire quelque chose au moins de manière sym­bo­lique, pour les artistes de Kaboul. Il y par­vien­dra avec Kabul­ly­wood, long-métrage docu­men­taire édi­té en DVD récem­ment qui mêle réa­li­té et fic­tion dans la grande tra­di­tion du ciné­ma per­san. En effet, le film raconte les péri­pé­ties de quatre étudiant·es afghan·es à Kaboul qui se lancent dans la réno­va­tion d’une salle de ciné­ma à l’abandon : le célèbre Aryub, tou­jours debout mal­gré la guerre civile et les Tali­bans. L’idée de Louis Meu­nier, c’est d’y recréer un centre cultu­rel. Il faut dire que la jeu­nesse afghane est assoif­fée de musique, de poé­sie et de ciné­ma. Louis Meu­nier retrouve sur place le cha­ris­ma­tique Naser, le pro­jec­tion­niste et gar­dien vigi­lant des lieux aban­don­nés. L’Afghan à la barbe gri­son­nante est embau­ché pour jouer son propre per­son­nage. Et puis, le temps de cette mise en scène d’un pro­jet réel en cours, les artistes sortent des caves où les ont pous­sées les menaces des fon­da­men­ta­listes, la peur des familles et la méfiance des auto­ri­tés. Les rôles sont ici adap­tés à l’histoire et à la per­son­na­li­té des acteurs. Ain­si, on y découvre Roya Hey­da­ri, une mili­tante de la cause des femmes, elle y joue le rôle de l’attachante Shab que son frère extré­miste pour­suit de sa vin­dicte. La camé­ra filme jour après jour la res­tau­ra­tion du ciné­ma et les manières de jon­gler avec la guerre et les dif­fi­cul­tés qu’elle entraîne. D’ailleurs, plu­tôt que de lut­ter contre les évé­ne­ments, pour­quoi ne pas s’en ser­vir pour les mettre dans le film ? Du manque de moyens finan­ciers aux dif­fi­cul­tés d’obtenir les auto­ri­sa­tions, jusqu’à la soi­rée d’inauguration qui frôle le fias­co, les invité·es ne se pré­sentent pas par peur d’un atten­tat tan­dis qu’une cou­pure de cou­rant se pro­duit au moment déci­sif. Même si la paren­thèse artis­tique se referme et que le ciné­ma replonge dans le silence, en atten­dant une paix impro­bable, le film, tour­né en pleine guerre, laisse trace d’une uto­pie vivifiante.

Sabine Beaucamp

Kabullywood

Louis Meunier

Potemkine, 2020

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