Le Havre, un port de Haute Normandie, le deuxième de France. Le Havre : une plastique, une cinégénique imparable. C’est aussi le titre et le sujet du dernier film du cinéaste Finlandais AKi Kaurismäki. Une fable édifiante sur la personne humaine, sur les principes moraux et politiques que déclenche le sort des clandestins qui essaient de rejoindre Londres, l’Eldorado au prix de leur vie ! L’histoire met en scène Marcel Marx, un cireur de chaussures, qui s’occupe de sa femme malade. Il aurait pourtant voulu être écrivain, il va sauver un adolescent africain poursuivi par la police. En l’occurrence le commissaire Monet interprété par Jean-Pierre Darroussin dont on ne confirme plus l’immense talent, tant il joue le rôle d’un flic qui doit faire du chiffre avec les immigrés et qui donc endosse le costume d’un type, semble-t-il, sans cœur et sans état d’âme.
Le film démontrera tout à fait le contraire au fil des scènes. C’est une véritable comédie humaine. On y découvre beaucoup de dignité, de bienveillance dans les répliques des personnages, un phrasé tout en retenue et pourtant si théâtral, si parlant. Un décor vintage, tout y paraît irréel. Le style très prononcé nous plonge dans un univers à la fois décalé, drôle, tragique, humaniste. On ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec le film sociale de 1997 « Marius et jeannette » de Robert Guédiguian qui se déroule dans le premier port de France, Marseille ou encore d’y afficher la ressemblance avec un conte à la Rohmer. Aki Kaurismäki signe ici un film extrêmement touchant, qui connaîtra fort heureusement un happy end. Signalons au passage avec bonheur la prestation scénique de Little Bob Story, l’icône du groupe rock des années 70, originaire du Havre, qui organisera un concert afin de récolter les fonds pour permettre à cet enfant africain de traverser la Manche pour gagner la côte britannique. Un film tonifiant, qui ne tombe à aucun moment dans la niaiserie ou le pathos débridé.
Sabine BeaucampLe Havre
Un film d’Aki Kaurismäki
2011