[COVID-19] « Derrière ma fenêtre… » — Journal collectif du confinement — (1)

Illustration : Peinture de Mehrin Mokhtari

« Der­rière ma fenêtre, je vois… » est le résul­tat d’un ate­lier d’écriture à dis­tance, ini­tié par la régio­nale PAC de Namur, mené sur Face­book et par cour­rier. Les participant·es confiné·es n’ont eu pour seule contrainte que de com­men­cer leurs écrits par cette phrase. Évi­dem­ment détour­née, retour­née, trans­fi­gu­rée, cette consigne a per­mis la créa­tion d’un véri­table jour­nal col­lec­tif de confi­ne­ment fait de mul­tiples frag­ments et ins­tan­ta­nés. Redé­cou­verte de la nature au tra­vers d’odes buco­liques. Redé­cou­verte du temps, entre séré­ni­té et ennui, entre petits bon­heur et anxié­té, attente et peur de l’avenir. Moments de colères et de frus­tra­tions face à une ges­tion de crise catas­tro­phique. Moments de soli­tudes et de manques de ses proches. Moments d’espoirs aus­si d’un Après (mais après quoi ?)… des textes sub­jec­tifs et de toutes natures qui per­mettent de dres­ser un pre­mier por­trait de l’expérience sociale inédite qu’a été ce confinement.

21 avril 2020

Der­rière ma fenêtre je vois… les quelques âmes par­tir tra­vailler, les autres ouvrir leurs fenêtres pour y lais­ser entrer le soleil et le vent qui vient balayer d’un léger souffle les arbres avant de ren­trer timi­de­ment dans leurs mai­sons. Je me demande com­ment leur jour­née va se dérou­ler pen­dant que je me demande com­ment va se dérou­ler la mienne. Je prends le temps d’observer les mésanges qui font des allers retour dans le jar­din et je n’entends plus le son du ruis­seau qui d’habitude se fait entendre tel­le­ment il a plu. Je vois la tris­tesse des chats errants qui passent et la crainte de l’être humain dans leurs yeux. Der­rière ma fenêtre il n’y a pas beau­coup de mou­ve­ment, j’ai l’impression que les liens qui nous unissent doivent res­ter cachés. C’est un petit vil­lage mais avec une grande soli­tude. Quand mille ques­tions se posent dans ma tête, je vou­drais que mille ques­tions se posent entre nous et que mille réponses res­sur­gissent. Le chan­ge­ment est là, j’en suis sure, mais il a encore un long che­min à faire. J’essaie par­fois de rat­ta­cher des wagons au train en marche mais c’est dif­fi­cile. Je vois tel­le­ment de choses par ma fenêtre, mais c’est juste dans ma tête. (Syl­vie Defosse)

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Der­rière ma fenêtre, je vois… la vie qui vibre, fris­sonne et s’insinue dans toute par­celle de nature que mon regard peut embras­ser. Le soleil, encore au début de son ascen­sion, darde ses rayons sur ce tableau éblouis­sant de beau­té et illu­mine ce début de jour­née que je ferai bonne, foi de Law ! Cette Nature, puis­sante et endu­rante, mais tel­le­ment flouée en ses fon­de­ments par l’Humain, a depuis ma plus tendre enfance fait par­tie des élé­ments nour­ri­ciers, fac­teurs d’évolution, de mon être pro­fond. Elle me récon­ci­lie avec La Vie lorsque mon cœur est lourd, m’éclaire quand l’indécision ou la confu­sion tara­bustent mon esprit, magni­fie l’intensité des moments de bon­heur et de contem­pla­tion, sti­mule mon éner­gie vitale, offre un écrin de choix aux ébats et explo­ra­tions de mes enfants,… Au-delà de ce lien de proxi­mi­té avec cette Grande Dame, Gaïa ou notre Terre Mère, que je me plais à consi­dé­rer à l’instar de Love­lock comme un être vivant doté d’une forme d’intelligence, je sais et sens com­bien gronde la révolte en son sein. Com­bien son cour­roux, ou tout sim­ple­ment la vigou­reuse reprise de ses droits sur notre arro­gante huma­ni­té qui n’a eu de cesse depuis des lustres de ten­ter de l’entraver, la domes­ti­quer, la nier pour asseoir sa supré­ma­tie et com­bler ses besoins sans cesse gran­dis­sants de pou­voir et de mai­trise du Vivant… Com­bien son cour­roux, disais-je, me fait fré­mir en pen­sant à l’avenir de mes enfants et de l’humanité tout entière qui va payer cher les excès et les prises de pou­voir de ses aïeux. Alors, que faire face à cet iné­luc­table déchaî­ne­ment, Ô com­bien jus­ti­fié, de Mère Nature ? Je ne détiens certes pas La réponse mais je m’applique à la res­pec­ter au mieux et tente d’éveiller celles et ceux que je peux à remettre au centre des prio­ri­tés la res­tau­ra­tion et le res­pect de cet envi­ron­ne­ment dont notre vie même dépend. Et je pense qu’au sor­tir de ce confi­ne­ment, nous avons la res­pon­sa­bi­li­té en tant que citoyen, être humain tout sim­ple­ment, de ne pas lais­ser les choses reve­nir à l’anormal qui avait cours avant ce rugis­se­ment sans pré­cé­dent qui a ébran­lé notre pla­nète, avant ce virus cou­ron­né qui nous contraint à la réclu­sion et la réflexion. » (Law­rence Miest)

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Der­rière ma fenêtre, je vois le lilas blanc qui com­mence à bour­geon­ner. Cette vision me ren­voie, comme à chaque prin­temps à mon enfance et au jar­din de ma grand-mère. Dans le fonds du jar­din de Bonne-Maman était dres­sé un autel dédié à Marie pour la remer­cier de lui avoir gar­dé sain et sauf ses fils et ses filles durant la Seconde guerre.
Marie, blanche est entou­rée de lilas tout aus­si blanc.
Chaque mois de mai, nous nous ren­dions, mon père et moi dans ce jar­din cou­per quelques branches du lilas.
En faire un bout bou­quet, un immense, un joli bou­quet pour le cor­tège en hom­mage à la Sainte Vierge.
Tous les enfants du vil­lage, ain­si fleu­ris de lilas, de vio­lettes, de roses, déam­bu­laient dans les rues en chan­tant à tue-tête « c’est le mois de Marie, c’est le mois le plus beau »
Chaque habi­tant sor­tait sur le seuil de sa mai­son pour voir la pro­ces­sion et reprendre en chœur le chant avec les enfants « A la Vierge ché­rie, disons un chant nouveau »
Aujourd’hui, les habi­tants sortent tou­jours sur le seuil de leur mai­son, le chant de « Marie du mois de mai » est rem­pla­cé par des applau­dis­se­ments en mars, des ova­tions en avril, des mer­cis à toutes les sai­sons pour toutes les « Marie » qui prennent soin de nous. (Annick Servais)

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Der­rière ma fenêtre, j’aperçois un grand champ doré. Le col­za est en pleine flo­rai­son pour l’instant. Aucune odeur ne me par­vient mais je peux la sen­tir. J’ai vécu dans la ferme de mes grands-parents jusqu’à dix-huit ans. Là aus­si, il y avait de grands champs de col­za. J’aimais ima­gi­ner que c’était Dieu qui, chaque année lais­sait cou­ler une pluie d’or sur les terres de la ferme pour que mes grands-parents ne manquent de rien. Il y a du vent aujourd’hui et le champ se balance au gré d’une musique que lui seul semble connaitre. Je me mets à rêver que peu à peu la terre entière se couvre d’or et de lumière. Je rêve que l’Amour enva­hit les êtres humains, que la paix règne sur terre, que…

Il est 15 heures, comme chaque jour les méga­phones se mettent à hur­ler : « Départ pro­me­nade au troi­sième étage, départ pro­me­nade…». (Patri­cia Bellot)

23 avril 2020

Der­rière la fenêtre du 3ème étage, je vois la cime des arbres. Depuis le début de ce prin­temps cha­leu­reux, les aqua­relles natu­relles sont magni­fiques et se déclinent en mille nuances de verts, du plus tendre au plus pro­fond. La nature est généreuse !

Der­rière la fenêtre du 3ème étage, je vois le ciel d’un bleu intense, invio­lé. J’observe le bal­let de quelques insectes auda­cieux, un vol d’oiseaux par­fois et je me prends à rêver de paix et d’amour universel…

Der­rière la fenêtre du 3ème étage, je rêve d’embrassades et de calins et de rires à gorge déployée et de com­pli­ci­té, de cha­grins par­ta­gés, d’une main sur la mienne, du regard de ceux que j’aime, je rêve, je rêve…

Der­rière la fenêtre de mon 3ème étage, tous les rêves sont per­mis. (Liliane Joseph)

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Der­rière ma fenêtre, je vois la Meuse qui coule, le soleil s’y reflète, tout est calme. Voi­là plus d’un mois que nous sommes confiné.e.s, un temps dans nos vies entre paren­thèses, vivant en vase clos, avec nos proches, un.e ami.e. Tan­tôt dans nos murs, tan­tôt à l’extérieur, on savoure. Par­fois l’on vou­drait que ça s’arrête, mais par­fois avec un pin­ce­ment au cœur l’on vou­drait que ça conti­nue tou­jours. Demain tout sera dif­fé­rent… » (Line Gerbovits)

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Der­rière ma fenêtre, je vois la nature s’épanouir jour après jour. Il a suf­fi d’une pluie pour que les feuilles se déploient et parent les branches d’un beau vert tendre.

Depuis l’aurore, les oiseaux chantent leur mélo­dieuse sym­pho­nie. Je recon­nais les petites mésanges qui venaient man­ger cet hiver, les merles chan­teurs et les pics qui, inlas­sa­ble­ment, par­sèment le tronc du vieux chêne de mil­liers de trous.

Dans le ciel d’un bleu intense, un couple de rapaces imprime sa danse lan­gou­reuse avant de disparaitre.

Sou­dain, une ava­lanche de pétales blancs me trans­porte dans mon enfance, lorsque, les yeux écar­quillés, je croyais que l’hiver était de retour.

Der­rière ma fenêtre, je vois la vie qui foi­sonne en ce magni­fique printemps.

Le temps est au confi­ne­ment. Pro­fi­tons-en pour admi­rer les beau­tés que nous ne pre­nions plus la peine de regar­der. Toutes proches de nous, elles émer­veillent notre quo­ti­dien et nous rap­pellent que le bon­heur est à notre por­tée… Si nous le dési­rons. » (Domi­nique Mathurin)

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Der­rière la fenêtre, je vois… cet arbre par­mi les autres.
Celui-ci est par­ti­cu­lier et m’a fait cette grâce toute spé­ciale de me mon­trer sa branche cas­sée en forme de cœur.

Depuis, ce cœur me rap­pelle que j’ai une ancre quand je cha­vire, un refuge quand le monde m’est trop dif­fi­cile, un prisme à tra­vers lequel regar­der quand je perds pieds, un point d’attention à fixer quand je perds confiance, l’assurance que la Nature m’aime, nous aime et nous sou­tient infiniment.

Je vous le par­tage… Je vous sou­haite un cœur en paix. (Pas­cale De Dobbeleer)

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Der­rière ma fenêtre, je vois…

Un écu­reuil. Il tra­verse la rue (c’est une large allée* à l’orée du bois.).
Je me demande s’il n’est pas déran­gé par tous ces gens dans ses jar­dins. Si ses habi­tudes ne sont pas cham­bou­lées, s’il trouve ce qu’il cherche, s’il a ce dont il a besoin, ou plus, ou moins, ou trop, ou pas pareil !
Je m’angoisse à l’idée qu’il ne doit rien com­prendre à ce chan­ge­ment bru­tal, qu’il est tout per­du et par­fois content de s’approprier cet espace dif­fé­rent mais peut-être riche…
Je me pose ces ques­tions. J’ai un nœud à l’estomac, non, je ne pour­rai pas déjeu­ner, ou alors plus tard, mais là, non !

Der­rière ma fenêtre, je vois un écu­reuil qui tra­verse l’allée. Il s’arrête en plein milieu, tourne la tête vers moi, me sou­rit et… me fait un clin d’œil…
#Tou­ti­ra­bien #Non­je­ne­crois­pas

💪👄 En vous remerciant.

* allée répon­dant au doux nom pro­met­teur de “allée des Chênes”, ce qui, autre­fois m’aurait ins­pi­ré quelques mots la reliant à l’écureuil, mais ça, c’était avant et pas aujourd’hui.

(Mari­na Bay)

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-          Il peut faire n’importe quelle longueur.

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